La chasse en Guadeloupe :
un autre scandale environnemental et sanitaire
Le projet d'arrêté préfectoral relatif à l'exercice de la chasse en Guadeloupe pour la saison 2014-2015 était sousmis à la consultation du public.
L'ASFA a émis un avis très défavorable en soulignant à la Préfète de Guadeloupe que ce projet d’arrêté relatif à l’exercice de la chasse sur le département de la Guadeloupe constitue une menace grave pour la santé publique et pour la biodiversité ; particulièrement pour la Grive à pattes jaunes (Turdus lherminieri) une espèce endémique de 3 îles seulement et classée mondialement menacée par l’UICN.
Comme pour l'affaire de épandage aérien de pesticides, et alors que le Conseil d'Etat a montré la validité des arguments que nous pouvons exposer, la Préfète de Guadeloupe choisit d'ignorer complétement l'avis de l'ASFA. Elle n'a rien modifié à son projet d'arrêté.
Une fois encore, la Préfète cède aux lobbys et aux intérêts particuliers de quelques uns. Elle choisit de satisfaire le plaisir personnel des chasseurs au mépris des règles élémentaires de protection de la biodiversité insulaire.
Mais aussi au plus fort mépris de la préservation de la santé publique.
En effet, la Préfète autorise une nouvelle fois les chasseurs à tuer les grives à pattes jaunes et des tourterelles à queue carré de la zone dite du "croissant bananier" alors que ces oiseaux sont contaminés par le chlordécone. Les teneurs en chlordécone sont si élevées qu'un autre arrêté interdit la consommation de ces mêmes oiseaux (AP N 2012-747 du 30 juin 2012) !
Les chasseurs ont donc le droit pour satisfaire leur "pur plaisir de tuer", d'abattre les grives et tourterelles du croissant bananier et de les transporter partout en Guadeloupe.
L'administration prend ainsi l'énorme risque que ces oiseaux contaminés soient finalement consommés par des enfants et des femmes enceintes !
Les effets particulièrement délétères de ce pesticide carcinogène, perturbateur endocrinien et neurotoxique sur la santé des personnes vulnérables sont pourtant très bien documentés.
Il s'agit là, d'une nouvelle atteinte GRAVE à la SANTE PUBLIQUE des guadeloupéens.
La Préfète facilite aussi ainsi la diffusion de la pollution par le chlordécone et la contamination de régions jusque là épargnées. Les oiseaux contaminés étant contaminants pour les chaines alimentaires et l'environnement.
Il s'agit d'un permis de polluer et d'empoisonner.
Les effets toxiques des organochlorés sur les oiseaux sont également très biens connus.
Ces molécules, dont fait partie le chlordécone, quand elles n'entrainent pas d'emblée la mort lors de contamination aigue (neurotoxique et hépatotoxique), nuisent aux fonctions de reproduction des oiseaux et pertubent leur comportement (exposition chronique).
La grive à pattes jaunes est classée mondialement menacée par l'UICN en raison de la de sa faible répartition géorgraphique mondiale, de la dégradation de ses habitats forestiers, et de la pression de chasse qui s'exerce sur elle en Guadeloupe.
Elle n'est plus présente que sur 3 îles au Monde depuis sa récente disparition de Sainte Lucie *.
Son statut UICN "vulnérable" indique que ce bel oiseau est confronté à un risque élévé d'extinction à l'état sauvage à moyen terme". Elle est également classée "vulnérable" sur la liste rouge régionale UICN des oiseaux menacées en Guadeloupe.
D'après les connaissances scientifiques actuelles, l'imprégnation par le chlordécone constitue un autre facteur de déclin important pour cette espèce.
Avec cet arrêté ce sont pas moins de 22 jours de chasse de Grive à pattes jaunes qui sont autorisés (du 01 novembre 2014 au 04 janvier 2015 tous les samedis, dimanches, jours fériés et chômés).
Le quota ou Prélèvèment Maximal Autorisé (PMA) de 4 grives par chasseur et par jour de chasse est ahurissant. En effet, il n'est pas accompagné d'un quota de chasseurs par grive. Ce PMA correspond à 88 oiseaux /chasseur et par jour de chasse pour la saison alors qu'on compte 3 000 chasseurs en Guadeloupe !
Par son arreté, l'administration permet donc théoriquement que 264 000 grives à pattes jaunes soient tuées cette année !
S'il ne sont "que" sont 500 chassseurs à chasser la grive, ils tueront tout de même 44 000 oiseaux !!!
Le bons sens et le principe de précaution (lequel a une valeur constitionnelle et doit s'imposer d'après la loi, aux décisions de l'administration) voudraient que l'espèce soit protégée en Guadeloupe comme elle l'est sur les autres îles (anglophones).
Tout au moins (et ce ne serait vraiment qu'un minimum) que les populations du croissant bananier ne soient davantage décimées par la chasse.
Cet abattage agrave considérablement le risque de leur disparition à court terme ; alors que les autorités ont l'obligation légale et éthique de tout mettre en oeuvre pour favoriser la résilience des espèces.
Mais la Préfète en a décidé tout autrement. Bien qu'originaire de la Guadeloupe, elle est sans pitié pour ce patrimoine naturel exceptionnel et irremplaçable, comme ses prédécésseurs.
Ce sont des telles hérésies dans la gestion mortifère du patrimoine naturel qui ont conduit, rapellons-le, à la disparition définitive d'autres espèces endémiques de notre archipel : l'Ara de Guadeloupe, la Perruche de Guadeloupe et l'Amazone de Guadeloupe .....au 19ième siècle !
Seule différence : les autorités agissent actuellement en pleine connaissance de la fragilité des espèces endémiques forestières, des risques de leur disparition et en méprisant totalement les textes de loi. Notamment la charte de l'environnement inscrite pourtant dans la Constitution.
L'effondrement de la biodiversité de nos petits territoires insulaires va donc se poursuivre.
Chasseurs guadeloupéens et préfète guadeloupéenne en porteront pour une bonne part, la funeste responsablilité !
*ref : ARNOUX, E. 2012 Variabilités phénotypique et génétique chez la Grive à pieds jaunes, Turdus lherminieri, à différentes échelles.Thèse de Doctorat d’université.