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Faune Guadeloupe

Faune Guadeloupe

Site officiel de L'ASFA : L'Association pour la Sauvegarde et la réhabilitation de la Faune des Antilles

Publié le par asfa
Publié dans : #Chasse excessive et braconnage intense

  

Sainte-Anne, le 17 juin 2013

 

Madame la Préfète de la Guadeloupe,

Monsieur le Secrétaire Général de la Préfecture,

Monsieur le Directeur de la DEAL,

 

Consternée par l'évidente collusion entre les représentants de l'Etat et la fédération des chasseurs et refusant par ma présence, de cautionner ce genre de mascarade et un résultat manifestement acquis d'avance, je vous informe de ma décision de démissionner de la Commission Départementale de la Chasse et de la faune Sauvage dont la seule fonction est d'entériner des accords préalables ; ce, au mépris des plus élémentaires mesures de préservation des espèces endémiques.

 

Pour satisfaire le seul plaisir de tuer, des chasseurs, vous allez de nouveau autoriser l’abattage de grives à pattes jaunes dans la région dite du “croissant bananier” alors que leur consommation est interdite du fait de l'imprégnation potentielle par la chlordécone.

 

Cette espèce forestière est endémique de 4 îles seulement des Petites Antilles dont Sainte- Lucie, où elle est extrêmement rare. Elle existe donc dans ces îles et nulle part ailleurs au monde. Elle bénéficie naturellement d’une protection légale forte dans les 3 autres îles où elle est présente. L’espèce est classée menacée à l’échelle mondiale par L’UICN (statut Vulnérable) et à l’échelle locale par le Comité français de L’UICN, organisme dont le Ministère de l’écologie est membre pour la France (statut également Vulnérable).

 

Il est admis que les organochlorés, dont fait partie la chlordécone, sont des perturbateurs endocriniens extrêmement délétères pour les fonctions de reproduction des oiseaux. La contamination avérée des populations de Grive à pattes jaunes du croissant bananier par ce pesticide, constitue donc un facteur de menace supplémentaire pour la survie de l’espèce.

 

De plus, de récentes études tendent à prouver que les populations de grives à pattes jaunes ont peu d’échanges génétiques entre elles. Ce relatif “isolement génétique” fait que :

l’adaptabilité de l’espèce aux changements constants de son environnement est amoindrie,

l’expression des gènes délétères est facilitée,

et la vulnérabilité aux agents pathogènes est largement accrue.

 

Malgré tous ces éléments que vous ne pouvez ignorer, vous allez maintenir l’autorisation de chasse sur ces populations déjà affectées. Cette décision obère l’avenir de l’espèce dans cette région contaminée par la chlordécone pour 100 à 650 ans, selon la nature des sols.

 

L’urgence de la mise en place d’une protection légale intégrale de la Grive à pattes jaunes, ainsi que le refus de considérer ce “patrimoine commun de la nation”, comme étant susceptible d'appropriation par une catégorie d'intérêts particuliers, me conduiront à l'avenir à privilégier d’autres modes d'action qui je l’espère, seront plus efficaces.

 

 

Avec mes regrets, je vous prie de croire Madame la Préfète, Monsieur le Secrétaire Général, Monsieur le Directeur, en l'expression de ma parfaite considération.

 

 

Béatrice Ibéné

 

Dr Vétérinaire

 

Naturaliste

Membre de la CDCFS depuis 2005 en tant personnalité qualifiée “spécialiste des espèces menacées” (Thèse de Doctorat vétérinaire sur la conservation de la faune sauvage de l’archipel guadeloupéen).

Membre assesseur du Gobal Amphibian Assessement de la Commission de Sauvegarde des Espèces de l’Union mondiale pour la Conservation de la Nature (UICN) pour les îles de la Caraïbe.

Présidente de L’Association pour la Sauvegarde et la réhabilitation de la Faune des Antilles (L’ASFA – www.faune-guadeloupe.com)

 

 

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Après 8 ans de participation bénévole à la CDCFS, Béatrice Ibéné, Présidente de l'ASFA a donc décidé de démisssioner pour dénoncer la collusion des services de l'Etat avec les chasseurs et le sort révoltant de la Grive à pattes jaunes (Turdus lherminieri).

Les deux associations présentes en tant qu'associations soit disant de "protection de l'environnement", Eco Lambda et URAPEG, ont toujours voté dans le sens du seul intérêt des chasseurs. On ne sait pourquoi ... peut être parce que des chasseurs font partie de ces associations ...

En 8 ans, les seules avancées obtenues ont été l'interdiction de chasse de grives à pattes jaunes sur la Grande Terre (où elle est rare) et l'instauration d'un quota de 8 puis 4 grives à pattes par jour et par chasseur sur la Basse -Terre. Ce qui est insuffisant puisqu'il y a très peu de contrôles ! 

Et les chasseurs le reconnaissent eux-mêmes : ils tirent sur les grives en général (grives fines, grosses grives, grives pattes jaunes, ...)  et font la diagnose ensuite !

 

Cet oiseau endémique de 4 îles des Petites Antilles est sur la liste rouge mondiale des espèces menacées de l'UICN et est également classé menacé en Guadeloupe par le Comitié français de l'UICN.

 

Les récents travaux d'Emilie Arnoux dans le cadre de sa thèse de Doctorat d'Université révèlent que la Grive à pattes  jaunes a probablement disparu de Sainte-Lucie.  Et qu'il y a 3 clades au sein de l'espèce dont celle de Montserrat et Guadeloupe. De plus, l'oiseau est sédentaire et son domaine vital est restreint. Tous ces facteurs ne font qu'aggraver le statut de conservation de cette espèce qui mérite d'être protégée intégralement. 

 

Pire encore,  l'Etat a renouvellé encore cette année l'autorisation d'abattage de grives à pattes jaunes dans la zone dite du "croissant bannanier" alors que leur consommation est interdite en raison de leur impregnation conséquente par la chlordécone !

On donne bien un droit de tuer juste pour le plaisir, au mépris de la préservation de la biodiversité et de ce patrimoine commun.  On détériore encore l'état des populations du "croissant bananier" ; puisqu'il est admis que l'imprégnation par les organochlorés est un facteur de menace des populations d'oiseaux (impact sur le fonctionnement hormonal et la reproduction). 

C'est un cas quasi unique en France où seules les espèces classées ou suceptibles dêtre classées "nuisibles " (bien que nous soyons absolument opoosés à cette qualification!) peuvent être abattues sans être consommées. 

 

Manifestement, la préfecture choisit une fois encore de méconnaitre le Principe de précaution. L'ASFA fera donc appel à l'Etat de droit afin de tenter de sauver ce qui peut encore l'être...

 

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A ce sujet,  voici le courriel envoyé par Béatrice Ibéné aux membres de la CDCFS le 08/07/2013 faisant suite à la dernière réunion :

 

 

  

Monsieur Calixte,


En réponse au pathétique pensum que vous nous infligez, en un galimatias philosophico-juridico-pseudo scientifique, force est de constater que ce raisonnement spécieux amène à la conclusion que votre plaisir de tuer est la seule raison à la mise en péril d'une espèce animale non nuisible et de surcroit endémique et menacée .


Je partage toutefois votre parallèle  : ce genre de plaisir relève de la même cruauté que celle de la tauromachie. L'absence totale d'éthique de cette pratique, et sa cruauté, n'ont d'égales que celles qui vous conduisent à abattre des oiseaux juste pour le “fun”, pour le pur plaisir de les voir tomber sous vos yeux.


Une fois encore vous exposez votre ignorance de l'histoire de la chasse et de ses conséquences dramatiques,  vous ignorez  l'histoire  du Pigeon migrateur américain qui existait par milliards d’individus tant et si bien qu’un vol masquait la lumière du jour des heures durant et faisait chuter la température de plusieurs degrés jusqu’à  ce qu’il soit exterminé par les chasseurs.

Vous méconnaissez  l’histoire et le destin funeste d'espèces, un temps communes, et aujourd'hui disparues du fait d'une chasse sans éthique et  sans conscience comme celle que vous pratiquez, alors que les espèces affrontent bien d’autres menaces.  

Perruches, amazones et aras , endémiques des Antilles françaises elles aussi, ont été des espèces communes, mais au dessous d’un certain seuil, elles ont été condamnées à disparaître du fait de persécutions de chasse. Vous ignorez cet “effet de seuil”! Connaître les effectifs d’une espèce ou d’une population ne suffit pas à estimer qu’elle est en bonne santé. 


De plus, vous refusez d’admettre que l’endémisme des espèces insulaires est un facteur de vulnérabilité , que l' imprégnation au chlordécone est un facteur de menace .

A vous entendre d’ailleurs, ces animaux ne sont pas réellement contaminés puisque vous vous permettez même de douter du sérieux des analyses menées par un laboratoire de référence (celui de la Drome).


Dans le doute, la protection est la seule option éthique,  raisonnable et responsable. C’est ce qu’impose le principe de précaution inscrit dans la Constitution (article 5 de la Charte de l’environnement) et que L’Etat territorial, et vous, choisissez d’ignorer. 


La thèse d' Émilie Arnoux* révèle pourtant qu’il n’y a plus de doute. On comprend que le statut de cette espèce est encore plus préoccupant que ce qu’on pensait ; ce qui alourdit davantage la responsabilité de la France dans la conservation de l’oiseau. En effet, la grive à pattes jaunes a probablement disparu de l’île de Sainte Lucie (pas d’observation depuis 3 ans). Et, à la lumière de ces travaux, il apparaît 3 clades dont celle de la Guadeloupe et de Montserrat. Madame Arnoux définit ainsi 3 unités significatives de gestion afin de préserver les populations : 


“Quoiqu’il en soit, la structuration génétique des populations mise en évidence par nos résultats permet d’identifier 3 unités significatives de gestion (i.e. Evolutionary Significant Unit ; Ryder 1986, Moritz, 1994) à l’échelle desquelles une gestion et une évaluation de l’état de conservation des populations devrait être déclinées. L’une de ces unités regroupant les oiseaux de Guadeloupe et de Montserrat, impliquerait notamment qu’une attention particulière soit portée sur la population de la Basse-Terre compte-tenu des effectifs et de l’importante diversité génétique qu’elle renferme.” (p147)


Par ailleurs,  ses travaux confirment que les domaines vitaux de l’oiseau sont “petits” ou  “restreints”. Et que la tendance est à la baisse des effectifs : “L’ensemble de nos résultats supportent toutefois l’idée que les effectifs des populations de Basse-Terre et de la Dominique se montrent plus réduits aujourd’hui que par le passé”. (p146)


Tous ces éléments font que, si le statut UICN de la Grive à pattes jaunes devait être ré examiné à la demande du chef de Service Mixte de Police de l’Environnement de Guadeloupe, il resterait “Vulnérable”.


On ne peut nier cet état des connaissances et la poursuite de la chasse des populations du croissant bananier apparait clairement comme une mise en danger à court terme de ces populations déjà exposées à la contamination au chlordécone. Et, nous en appellerons à l’Etat de droit.


Mais surtout, au delà du sort de cette espèce, vous confirmez ici ce que chacun avait parfaitement compris à la dernière réunion : vous refusez de laisser sur place le gibier potentiellement contaminé et vous tenez absolument à transporter ces animaux chlordéconés ! 


Mais pour quoi faire ? Si ce n'est pour les consommer ou pire encore, les proposer à des convives et leurs enfants  ?!


Je veux encore croire que les autorités (et c’est à elles que je m’adresse), mesureront le risque qu’elles prennent pour la santé publique en vous accordant également cette demande.


Cordialement à tous, 


Dr Béatrice Ibéné 

Vétérinaire 




* ARNOUX, E. 2012 Variabilités phénotypique et génétique chez la Grive à pieds jaunes, Turdus lherminieri, à différentes échelles.Thèse de Doctorat d’université.

 


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Publié le par asfa
Publié dans : #dégradation des habitats, #Epandages aériens, #Pesticides, #action juridique

Une nouvelle victoire contre l'épandage aérien de pesticides 

 

 

Par jugement du 05 juillet 2013 , le Tribunal administratif de Basse-Terre suspend les arrêtés préfectoraux portant dérogation à l'interdiction des épandages aériens de fongicides, au profit de la Société SICA LPG (producteurs de bananes).

Les épandages aériens de pesticides sont donc suspendus jusqu'au jugement de fond qui nous l'espérons, comme l'an dernier, conduira à l'annulation de ces arrêtés.

Saisi de nouveau par les associations naturalistes L'ASFA et AMAZONA (qui avaient déja esté et gagné contre cette décision de l'Etat en 2012)  et par l'association En-Vie Santé, le Tribunal Adminstratif a retenu les arguments des associations soutenant que ces arrêtés violent le Principe de Précaution inscrit dans la Constitution (Charte de l'Environnement) et qu'il y avait urgence à les suspendre, en attendant qu'il soit statué sur le fond.

 

Il s'agit donc d'une nouvelle victoire donnée par l'Etat de Droit, dans l'intêret général. Celui de la santé publique, de la préservation de la nature et de la biodiversité.

Il pourrait s'agir également d'une heureuse nouvelle pour l'agriculture réellement durable. Celle qui choisit de tourner le dos aux pratiques productivistes d'une monoculture clonale et opte pour les agroécosystèmes (cultures asssociés, agroforesterie, valorisation de la biodiversité, ...). 

Ce jugement devrait être l'occasion d'amorcer une telle mutation. Les auteurs du rapport interministériel sur l'évaluation des plans d'action chlordécone d'octobre 2011 concluaient qu'il était temps de développer dans nos îles "une agriculture sans pesticides".

 


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