Qu’en est-il du statut du Pélican brun en Guadeloupe ?
Oiseau marin commun tout au long de l’année, le pélican est un hôte familier de notre littoral. Mais saviez-vous qu’il s’agit d’un oiseau nicheur rare. Ayant quasiment disparu de Guadeloupe dans les années 70-80, l’oiseau suite à de gros efforts de protection dans toutes les Caraïbes connait depuis les années 90 une dynamique plus favorable.
Réapparut comme oiseau nicheur en Guadeloupe depuis une quinzaine d’années, les 4 colonies connues ont malgré tout la vie dure !
En effet, toutes les colonies ont connu ces dernières années des atteintes plus ou moins graves alors que l’espèce est censée être protégée ! Entre les prélèvements, la destruction d’adultes, de nids, la création de sentiers de randonnées au sein des colonies, les perturbations intentionnelles de riverains et l’impact des cyclones sur les sites de nidification, la population de pélicans bruns de Guadeloupe pourtant promise à un avenir radieux à vu ses effectifs fondre ces dernières années.
Notre association réalise depuis des années le suivi de ces colonies et alerte régulièrement les autorités sur les menaces pesant sur ces dernières.
C’est dans ce cadre qu’en ce début d’année, les 4 colonies ont été visitées pour dénombrer les couples nicheurs. En prenant bien sûr toutes les précautions pour ne pas déranger !
Ainsi plusieurs sorties nautiques ont été réalisées dont une durant laquelle tous les sites favorables du Grand Cul-de-sac Marin ont été visités et la côte sud de la Grande-Terre prospectée à la recherche des Pélicans “du Gosier”.
Des Pélicans du Gosier ??
Effectivement, la colonie du Gosier la plus grande de Guadeloupe et devenue la plus grande des Petites Antilles a subi ces dernières années de fortes perturbations de la part des riverains. Ces derniers en l’espace de 3 ans auront presque réussi à anéantir la colonie qui a perdu 95% de ses effectifs !
Le début de matinée sera consacré tout d’abord à visiter la colonie du Gosier pour constater une fois encore que cette colonie à subie des perturbations de la part des riverains. Ne sont présents que 6 couples à couver ainsi qu’une dizaine de couples en train de s’installer. Ce qui est anormal car à cette époque généralement la très grande majorité des jeunes sont nés et déjà grands comme sur les 3 autres colonies cette année. Des couples à s’installer cette année démontre que ceux-ci ont échoué dans leur installation ou leur première ponte et tentent de refaire une ponte. Que cela concerne la majorité des oiseaux démontre également que de gros problèmes ont affecté les oiseaux sur la colonie, très vraisemblablement des actes de perturbations intentionnels comme les années précédentes.
Pélicans à couver sur la colonie du Gosier(Photos: J. Oster, R. Gomès)
Le reste de la matinée, nous prospecterons le littoral jusqu’à Sainte-Anne afin de vérifier si les oiseaux de la colonie du Gosier ont trouvé un site de replis. Mais sans résultats. Les sites favorables à l’abri des dérangements sont très rares. Ce pourquoi les sites actuels de nidification sont d’une importance capitale pour les oiseaux…
Nous ferons donc demi-tour en faisant cap sur le Grand Cul-de-Sac Marin.
Une petite halte sur le plan d’eau du port autonome nous permettra d’observer quelques laridés posés sur les bouées. Notre attention est attirée non pas par les Sternes royales (Thalasseus maximus) et Sternes de Cabot (Thalasseus sandvicensis acuflavidus), espèces communes toute l’année sur notre archipel mais par la présence de deux Goélands bruns (Larus fucus) immatures. Cette espèce bien qu’étant la plus commune des goélands observés en hivernage en Guadeloupe, reste une espèce rare à observée.
En haut : Goéland brun immature. En bas: Sterne de Cabot et Sterne royale (Photos : J. Oster)
Nous continuons notre navigation par la Rivière salée, au passage nous pouvons constater que la décharge de la Gabarre s’élève de plus en plus et dépasse maintenant largement la mangrove. Des dizaines de chiens sont visibles sur tous les monticules de terre visibles…
Nous entrons dans le Grand Cul-de-Sac marin et nous nous dirigeons vers l’îlet Christophe, haut-lieu de l’ornithologie guadeloupéenne qui abritait il y a encore 2 ans la plus grande héronnière de Guadeloupe. C’est là, dans cette très grande colonie mixte que le premier couple de Pélican du Grand Cul-de-Sac s’était installé en 2014.
Mais le dérangement très important sur l’ensemble de la baie du fait de l’anarchie qui règne dans l’utilisation des sites naturels fait que très peu de sites sont utilisés par les oiseaux pour la nidification. Même sur les sites gérés par les établissements publics (ONF, Parc national, Conservatoire du littoral) ne sont pas épargnés. Ce fut le cas de l’îlet Christophe pourtant classé en coeur de parc national et donc censé être protégé des menaces éventuelles, avant de faire enfin l’objet de la mise en place d’une interdiction d’approche balisée sur le terrain depuis 1 an.
Enfin une bonne mesure prise par le parc national, dommage d’en arrivée là…
Mais une autre menace pèse sur cet îlet qui a perdu la totalité de sa faune aviaire depuis 2017. Faisant fuir toutes les espèces une à une, même les pélicans abandonnèrent leurs nids…
Depuis 2 ans tous les oiseaux qui tentent de nicher sur l’îlet, abandonnent leur nid en cours de reproduction !
Mais quel danger est arrivé sur l’îlet pour les faire fuir ?
Seuls quelques dizaines de couples d’oiseaux squattent un petit îlot périphérique dont les Pélicans. Mais la place est chère, l’îlot ne faisant que quelques dizaines de mètres carrés ….
C’est ainsi que les Pélicans arrivent à nicher depuis 2017 et s’est le cas encore cette année, puisque nous découvrons la présence de 25 nids et de plusieurs couples en cantonnement.
Mais les effectifs sont très loin d'être à la hauteur de la capacité normale du site !!
Les pélicans de l'îlet Christophe (Photo J. Oster)
Les effectifs n’ont donc pas évolué depuis 2 ans sur ce site où la promiscuité ne permet pas d’accueillir d’autres couples, alors que l’îlet principal est toujours vide !
Mais que fait le parc national qui ne semble pas réagir ?
La suite de notre parcours nous fait prospecter le littoral sur les communes de Sainte-Rose, sans voir un seul indice de nidification d’oiseau en dehors du coeur de parc national des îles Carénages. Même si la nidification des ardéidés n’est pas au pic de son activité à cette période de l’année, nous sommes étonnés de ne pas observer d’oiseaux nicher sur beaucoup d’îlots pourtant très favorables, comme l’îlet Mangle à Laurette, l’îlet de la pointe Latanier, Crabière … Le désert !
Seul un balbuzard nous fera lever nos jumelles et appareils photos. Par dépit nous passerons de l’autre côté du miroir afin de découvrir sous l’eau les bords de mangrove qui sont moins d’être uniformes.
En haut : Le Balbuzard pêcheur. En bas : Bordure de mangrove (Photos J. Oster)
Sous l’eau la nature est plus riche (Photos J. Oster)
Une halte aux îles carénages, nous permet d’admirer Hérons garde-boeufs (Bubulcus ibis) sur leurs nids et les premières Aigrettes neigeuses (Egretta thula) et Grandes aigrettes (Ardea alba) à nicher. Un jeune faucon pèlerin (Falco peregrinus) nous régale avec ses poursuites de hérons garde-boeufs. Histoire de s’entrainer et assurer le spectacle sur le site.
Deux Goélands bruns sont également présents sur les bouées de délimitation de la zone interdite d’accès.
De haut en bas :Jeunes frégates au repos , immature de Faucon Pèlerin, immature de Goéland brun posé sur une bouée de balisage, Aigrette neigeuse, Grand héron. (Photos J. Oster)
Nous continuerons notre navigation autour de l’îlet Fajou sans autre découverte.
Ainsi le Grand Cul-de-Sac Marin, Réserve de Biosphère, en grande partie classé site RAMSAR (zones humides d'importance internationale dont le gestionnaire est chargé de préserver, surveiller et de veiller à son utilisation « rationnelle » ) est loin d’accueillir les densités d’oiseaux coloniaux qui pourraient s’y installer malgré la présence de sites très favorables. Le dérangement bien trop important sur ce site naturel en est la principale cause.
On peut citer l’îlet Rousseau, où le Pélican tente de nicher depuis des années et qui bien que terrain public appartenant au Conservatoire du littoral, ne bénéficie pas de la protection qu’il mérite. Sous la pression de la municipalité, certains opérateurs peuvent toujours débarquer sur l’îlet et faire visiter la colonie d’oiseaux sur un sentier la traversant de part en part !
Sans parler de l’organisation de soirées “musicales” (comme à la Pointe à Sable) totalement en contradiction avec l’esprit du site !
Quel bel exemple de gestion durable du patrimoine public !
Bon courage aux 3 gestionnaires que sont le Parc national, l’Office national des Forêts et le Conservatoire du Littoral …