Pourquoi devons-nous préserver la biodiversité guadeloupéenne ???
Couresse des Saintes (Alsophis sanctonum)
photo : jérôme Oster
Au vu de la réduction accélérée de la biodiversité guadeloupéenne, il devient urgent de mettre en exergue certains motifs éthiques, patrimoniaux et écologiques de protéger la diversité biologique guadeloupéenne, à la faveur de campagnes de sensibilisation fortes et pertinentes.
Sensibilisation, vis-à-vis du public (population, touristes, ...) mais aussi des politiques encore trop peu concernés par la dégradation continue de la nature guadeloupéenne.
Une éthique !
Nous devons protéger la diversité biologique de la Guadeloupe d'abord parce que ces espèces sauvages ont tout simplement le droit d'exister et de poursuivre leur évolution.
Un patrimoine
Nous devons léguer à nos enfants le patrimoine naturel déjà bien amoindri ! - que nous avons reçu en héritage.
Beaucoup de nos espèces sont endémiques des petites Antilles. Certaines n'existent que dans une ou deux îles voire qu'en Guadeloupe ou sur une seule île de l'archipel guadeloupéen ;
il s'agit donc d'un patrimoine UNIQUE !
Prendre soin de la biodiversité parce qu'elle prend soin de nous :
Nous avons un « intérêt commun » à protéger les milieux guadeloupéens : si la dégradation de l'environnement a d'abord des répercussions sur les espèces fragiles, elle a également un impact notre cadre de vie et notre santé.
L'érosion par ruissellement induite par la destruction des massifs forestiers des pentes et sommet des collines ne permet plus aux pluies de s'infiltrer dans le sol. Résultat : des risques d'éboulements, d'inondation et de crues de rivières nettement augmentés en hivernage et des risques de sécheresse sévère plus importants durant les carêmes secs.
De même, la mangrove, berceau de biodiversité, remplit de nombreuses fonctions vitales pour la société : nurserie pour les poissons que nous consommons, stockage de l'eau, protection contre les dépressions tropicales, stabilisation du littoral, maîtrise de l'érosion, épuration de l'eau par rétention des éléments nutritifs, des sédiments et des polluants. La réduction continue de sa diversité biologique porte gravement atteinte à ces rôles écologiques et fonctionnels fondamentaux. En portant atteinte aux mangroves nous compromettons aussi l'avenir de nos ressources alimentaires.
Sans même parler des autres ressources alimentaires et médicamenteuses ( principes actifs contres des agents pathogènes virus , bactéries, champignons, parasites...) que recèlent les milieux naturels et particulièrement les forêts tropicales.
La biodiversité est un témoin de la bonne santé des milieux naturels et de leur diversité. Certaines espèces sensibles ou menacées de l'Archipel peuvent être des bio-indicateurs de la qualité du milieu naturel. Ainsi, l'absence du Pic de la Guadeloupe dans un milieu signifie que la forêt y est trop dégradée .
Bien souvent les populations sensibles sont aussi des sentinelles de la pollution. C'est le cas de nos chères petites grenouilles très senisbles aux polluants et à l'élévation de la température en raison de leur respiration cutanée (peau fine permettant les échanges gazeux). Aussi, le déclin des grenouilles dans un milieu donné nous alerte sur la dégradation de ce milieu : pollution, sécheresse (déforestation importante).
Biodiversité garante d'un équilibre écologique : les espèces animales sauvages jouent leur rôle dans la bonne santé des écosytèmes
Le rôle écologique de la biodiversité doit être souligné. Les communautés sauvages des milieux insulaires contribuent au maintien d'un équilibre écologique complexe et fragile. Aussi la disparition d'espèces insulaires, animales ou végétales peut-elle avoir des effets en cascade, immédiats ou différés.
Les oiseaux nectarivores (colibris et sucriers) qui sont des pollinisateurs et les espèces frugivores ou granivores (Colombidés, Mimidés,) disséminatrices de graines participent au maintien du patrimoine naturel guadeloupéen.
photos Céline Etzol
Il en est de même pour les chauves-souris. Masson et Breuil ont démontré que 4 espèces de chauves-souris frugivores (Ardops nichollsi, Brachyphylla cavernarum, Sturnira thomasi et Artibeus jamaicensis) jouent un rôle disséminateur de graines après les avoir ingérées. Les graines d'au moins 16 espèces végétales sont ainsi disséminées par les Chiroptères de Guadeloupe. Parmi elles, certaines sont des plantes pionnières typiques des milieux de régénération (Piper spp., Solanum torvum, Cecropia schreberiana). Autrement dit ces guimbos participent activement à la régénération des milieux forestiers dégradés (déboisements, castastrophes naturelles,...).
Bois canon (Cecropia schreberiana), espèce pionnière disséminéee par certains guimbos (chauves-souris frugivores).
La disparition d'une ou plusieurs de ces espèces disséminatrices peut compromettre la restauration d'un milieu dégradé notamment par un cyclone ou entraîner un déclin des espèces végétales, lui-même responsable d'une érosion des sols.
Il faut également rappeler le rôle déterminant que jouent les oiseaux, reptiles, et chauves-souris insectivores dans la régulation des populations d'insectes. En particulier les chauves-souris insectivores de plein ciel (mollosses) sont quasi les seules chasseurs d'insectes nocturnes volants, font partie les moustiques. Ces petites chauves-souris qui gîtent parfois sous les tôles onduléees sont donc de véritables auxiliaires de santé publique !
La fragilisation de leur statut pourrait causer une pullulation d'insectes volants en particulier après le passage d'un cyclone.
Notons aussi les services rendus aux agriculteurs par les Hérons gardes-boeufs (Bubulcus ibis) en Guadeloupe : ils se nourrissent de nombreux arthropodes des ravageurs cultures (larves de mouches, larves de hannetons, orthoptères, chenilles...).
Héron garde-boeuf avec une de ses proies favorites : un scolopendre (photo : Pierre Garnier)
De même, les sternes sont des alliées pour les pêcheurs puisqu'elles les aident à repérer les bancs de poissons.
Prenons donc grand soin de la biodiversité pour elle-même et pour nous même !
Sources :
- BARNAUD, G. & CHAPUIS, J.L. - Conserver, protéger, restaurer.- In : Iles, vivre entre ciel et mer.- France, MNHN – Nathan, 1997.- Chap.7, 105-117.
- IBENE B . Conservation de la faune sauvage de l'archipel guadeloupéen : espèces sensibles et menacées, dangers , mesures de sauvegarde. Thèse pour le Doctorat vétérinaire. ENVT. 2000. 136pp
- MASSON, D. et C., BREUIL, A. et M., LEBOULANGER, F., LEUGE, F. - La place des Chiroptères dans la dissémination par endophytosporie des plantes forestières de la Guadeloupe.- Rapport de mission d’étude, Ministère de l’Environnement (SERTIE) - S.F.E.P.M - PNG, Paris, 1994.- 44p.
- MOUTOU, F. - Les animaux sauvages sentinelles de la pollution – Le Point Vétérinaire, 1993, 24, 150, 667-672.
- RUTZLER, K. & FELLER, I. - Les mangroves des Caraïbes.- Pour la Science, 1996, 223, 70-75.
- VILLARD, P. - Le Pic de la Guadeloupe. - Brunoy, S.E.O.F., 1999. - 135p.