- La Frégate superbe Fregata magnificens
Frégate superbe femelle. (Photo : B Ibéné )
Le meilleur voilier du monde nichait autrefois en colonies abondantes sur les îlets de la Guadeloupe, notamment sur deux îlets qui portent encore son nom : les îlets « Frégate » du Petit Cul-de-Sac Marin et de Saint-Barthélemy.
Dès le début de la colonisation en 1644, les frégates furent décimées à cause de leur graisse, utilisée comme « remède » contre la goutte. Dans « l'Histoire générale des Antilles », le Père Du Tertre raconte une scène de chasse sur l'îlet frégate pendant laquelle il tua lui-même sauvagement « à coups de bâtons plus de cent frégates en moins de deux heures ». On comprends alors que ces oiseaux, très sensibles aux dérangements pendant la couvaison, aient déserté la Guadeloupe pour leur nidification.
Les frégates sont encore présentes régulièrement en Guadeloupe. On les observe tout l'année en train de planer, pêcher, ou voler les proies d'autres oiseaux marins dans les eaux poissonneuses, le long des côtes et dans la mangrove. La nuit, elles utilisent les îlots de palétuviers comme reposoirs, en compagnie de hérons ou de pélicans.
Frégates superbes au dortoir : un ilot de palétuviers dans le Garnd Cul de sac marin
La plus grande colonie nicheuse (2 500 couples) de la Caraïbe se trouve a Barbuda.
- Le Pétrel diablotin Pteroderma hasitata
Cet oiseau de haute mer nichait en colonies abondantes sur les pentes de la Soufrière.
Les colonies ont été décimées par la chasse outrancière sur les sites de nidification, au prétexte des qualités gustatives de sa chaire. Dans son « Voyage aux îles », le Père Labat décrit une expédition de chasse d'une effroyable cruauté. Sept hommes aidés de leurs chiens capturèrent 200 pétrels « au fond même de leur terrier en y enfonçant des gaulettes longues de huit mètres, avant de leur tordre le coup » .
Le Pétrel diablotin fait maintenant partie des 235 espèces mondialement en danger (catégorie UICN « Endangered, C2a »). Cela signifie que l'espèce a 20 % de risque d'être éteinte dans les vingt ans. En effet la population totale, en déclin, compte moins de 2 500 individus adultes, et il n'y a pas de population de plus de 250 individus adultes.
Les derniers sites de nidifications significatifs sont sur les falaises volcaniques et montagnes d'Haïti. Quelques couples nichent aussi en République dominicaine, à Cuba, et peut-être à la Dominique. Il n'est obervé qu'au large de la Guadeloupe;
- L'Aigrette bleue Egretta caerulea
Aigrette bleue (Photo : b Ibéné)
Il y a une quarantaine d'années, ce bel oiseau nichait en colonie de plus d'une centaine de couples sur l'îlet « la Biche », dans le Grand Cul-de-Sac Marin.
La colonie fut décimée en 1955 par des chasseurs qui massacrèrent les mères sur les nids, hors période de chasse !
Depuis, aucune nidification de cette aigrette n'a été prouvée dans l'Archipel, bien que des immatures soient parfois observés. Cette migratrice reste localisée à quelques zones humides de Guadeloupe, alors qu'elle est assez répandue dans les Antilles - où elle ne niche pas - ainsi qu'en Amérique tropicale et tempérée.
Balbuzard pêcheur (P.h. carolinensis) au dessus du marais de Port-Louis
(Photo : Pierre Garnier)
Parmi les 4 sous-espèces de cet aigle pêcheur cosmopolite, deux sont visibles en Guadeloupe : une migratrice nord-américaine (P. h. carolinensis) fréquemment observée sur l'Archipel et l'autre (P. h. ridgwayi) sédentaire nicheur dans la Caraïbe mais très rarement apercu en Guadeloupe.
Il semble que ce rapace nichait en Guadeloupe au XVIIe siècle. Du Tertre relate en effet l'apprivoisement d'individus par les enfants Caraïbes qui s'en servaient pour pêcher.
Actuellement, il niche à Cuba et aux Bahamas, et sporadiquement à Sainte-Lucie. L'installation d'aires artificielles pourrait l'inciter à nicher de nouveau en Guadeloupe.
Les paysages diversifiés de l'Archipel guadeloupéen ont offert autant de biotopes accueillants à la faune. A l'échelle des Petites Antilles, la faune guadeloupéenne se caractérise par sa grande diversité spécifique et son endémisme marqué. Mais, depuis la colonisation, elle a payé un lourd tribut à l'action de l'homme. Outre l'introduction d'animaux, fatale à certaines espèces, ce sont surtout les massacres délibérés, qui ont profondément altéré la faune originelle de l'Archipel. C'est ainsi que certaines espèces ou sous-espèces - endémiques pour la plupart - ont disparu de l'Archipel, d'autres ont été dissuadées d'y nicher, et plusieurs se sont fragilisées.
Aujourd'hui encore, de nombreuses espèces sensibles et menacées de la Guadeloupe risquent de disparaître !!
Sources:
- COLLAR, N.J., CROSBY, M.J., STATTERSFIELD, A.J. - Birds to watch 2 : The World List of Threatened Birds.- Cambridge, Bird Life International, 1994.- 407p.
- DU TERTRE, R.P. J.B.- Histoire générale des Antilles -., Fort-de-France, Société d’Histoire de la Martinique, 1958-1959.
- LABAT, R.P. J.B. - Voyage aux Isles. Chronique aventureuse des Caraïbes 1693-1705. – Paris, Phébus, , 1993.- 459p.
- DU TERTRE, R.P. J.B. - Histoire générale des Isles de Saint-Christophe, de la Guadeloupe , de la Martinique et autres dans l’Amérique – Paris, 1654.
-PINCHON, R. - Faune des Antilles Françaises : les oiseaux. - 2ème éd. Fort de France, Compte d’auteur, 1976.- 325p.
- RAFFAELE, H. et J., WILEY, J., GARRIDO, O., KEITH, A. - Birds of the West Indies.- London, Helm, 1998.- 511p.